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Dune 2 de D. Villeneuve ou la problématique d'une adaptation d'un chef-d'œuvre

Dernière mise à jour : 11 mars

J'ai vu Dune 2 de D. Villeneuve (je vous rassure j'ai vu le 1er avant) et mes sentiments sont très mitigés...

Tout cela a commencé il y a bien bien longtemps dans une galaxie lointaine, celle du roman Dune, écrit par Frank Herbert en 1965 (et pour les puristes, oui il avait été publié avant cela dans un magazine en 1963). Cette histoire de science-fiction très détaillée par ses langues, ses mondes et ses coutumes, sera la plus lue et une des plus admirée dans le Monde.


Edité en plein essor de la conquête spatiale, Dune est bien trop complexe a adapté pour le cinéma, qui commence seulement a exploré les gros effets spéciaux technologiques (2001 l'odyssée de l'espace est le 1er "gros" film SF moderne en 1968).

C'est en 1975 qu'un groupe de producteurs français rachète les droits de Dune après le décès de Arthur J. Jacobs, producteur américain de la "Planète des singes" qui avait été le 1er à tenter l'aventure en 1971. Après bien des déboires, l'histoire est reprise par un producteur italien en 1976, qui demande à Franck Herbert d'écrire lui-même le scénario. Déjà là, la peur de la mauvaise adaptation de ce gigantesque univers pointe son nez. Prendre l'auteur du roman d'origine n'est pas forcément la meilleure idée. L'adaptation cinéma, c'est avant tout la vision d'un artiste sur l'œuvre d'un autre artiste. Le système créatif est différent, l'un est souvent solitaire derrière une table avec de mots alors que l'autre est réalisé en groupe avec des images qui bougent. Le cinéma est un art à part comme l'est aussi l'écriture d'un roman. Un scénariste doit connaitre la grammaire cinématographique, on écrit pas un scénario comme un livre, tout n'est pas montrable, tout n'est pas visible ou réalisable de la même façon.


Le scénario de trois heures de Herbert est retravaillé par un nouveau scénariste, rejeté par l'écrivain car une scène d'inceste ne lui plait pas. Doit-on écouter les doléances du 1er créateur ? Une adaptation ciné doit-elle être fidèle image pour image à l'écrit de départ ? Ce sont des questions qui existent depuis bien longtemps, bien avant le cinéma, déjà en adaptant des histoires vieilles comme le Monde, avec des peintures ou des dessins. L'égo d'un artiste est évidemment au centre des ces questions, mais pas que, surtout quand le business s'en mêle.


En 1981, l'histoire maudite arrive dans les mains de David Lynch. Encore une fois le scénariste avec lequel il travaille, se désiste au bout d'un an d'un travail laborieux, après des mésententes artistiques. Après tous ces malheurs, le film sort enfin en 1984 sous les hués des critiques. Le public boude le film et traumatise David Lynch. Il demandera même qu'on retire son nom du générique quand le film est retravaillé, contre sa volonté, pour la télévision. La version de Lynch sera remodelée une fois de plus en 2012, par un fan passionné et qui permettra d'obtenir un film de trois heures "Dune : The alternative edition delux", très proche de ce que désirait David Lynch au final.


Le Dune de David Lynch continue de partager le public, certains le trouvent trop éloigné de l'œuvre originale, d'autres (comme moi) y retrouvent la patte surréaliste du réalisateur et le mettent au rang des films cultes. Quelques 40 ans plus tard, Denis Villeneuve remet le couvert en s'attaquant à l'oeuvre magistrale. Bien rôdé déjà par la suite du monumental Blade Runner (qui fût lui aussi un échec commercial à son époque décidemment), Denis Villeneuve nous sort trois films de deux à trois heures chacun. Donc quasiment le temps d'une mini-série.



C'est quoi l'histoire de Dune 2. Nous retrouvons Paul et sa maman sur la planète Arrakis. Paul essaye de se faire accepter par les Fremen alors que Jessica devient révérente mère. Pendant ce temps, sur les autres planètes, le jeu de pouvoir s'organise entre les familles, provoquant l'attaque des Harkonnen sur Arrakis et poussant Paul vers son destin de leader.


Pas facile de résumer un film de trois heures en 4 lignes et pas facile pour un réalisateur de résumer l'œuvre encyclopédique de Herbert en quelques images. Mais comme le disait Gide : "Choisir c'est renoncer" et c'est là tout le problème de Dune version Denis Villeneuve.

Si le choix artistique, que ce soit pour les images, la musique (une leçon de maître de la part de Hans Zimmer), les costumes, les décors, les maquillages, etc, ainsi que la réalisation purement technique, sont extraordinaires et explosent littéralement nos sens sur grand écran, il n'en va pas de même pour le scénario. Et le scénario au ciné, c'est la base de la pyramide qui fait ou défait un film dans le temps.


Denis Villeneuve, réalisateur et scénariste des trois nouvelles versions de Dune avec l'aide de son comparse Jon Spaihts (scénaristes de gros blockbusters comme "Prometheus", "Doctor Strange") se sont attelés à vouloir fournir le plus de scènes possibles du roman dans la trilogie, mais même avec trois films, il n'est pas possible de tout raconter (D. Villeneneuve dans l'interview sur Kombini :  "J'ai proposé de faire deux films parceque c'était trop dense"), surtout si les auteurs doivent en plus essayer d'intégrer un peu de leur vision personnelle.


C'est là, pour moi, que le bas blesse. Car le cinéma est un outil de l'imaginaire différent de l'écriture. Pour moi la base de l'histoire peut être la même mais il faut s'en éloigner. Le Dune de Villeneuve est un gloubi-boulga de scènes froides, les unes derrière les autres (D. Villeneuve dans l'interview de Kombini : "En tournant le 1er film, il a des moments ou je me disais, profites-en, c'est peut-être la dernière fois que tu seras sur Arrakis donc autant mettre à l'écran le plus de fantasmes possibles.") Il le dit lui-même, il voulait en mettre le plus possible et malheureusement, malgré la superbe des images, les émotions ne passent pas. Le public n'a pas le temps de digérer une scène alors qu'en quelques minutes on passe à la suivante. Des scènes intimes et pleines de profondeurs comme le premier baiser entre Paul et Chani sont passés à la moulinette, on les voit en plus de dos (autre problème: que les mœurs soient désormais très très présentes dans les nouveaux films américains, on en reparlera une autre fois).

Le premier Dune était imposant lui aussi, mais rares sont les personnes qui se souviennent de tout le film, tellement il est insipide. Je me rappelle surtout de la mère apprenant à Paul à se servir de la voix, et celle de la boite, deux scènes où le rythme endiablé du film s'efface un instant pour nous laisser enfin apprécier la lenteur des gestes. Dans ce second opus, certes beaucoup mieux que le premier, on aurait aimé plus de temps avec ce merveilleux méchant qu'est Feyd (interprété par Austin Butler), car dans un film aussi intense, c'est la grandeur du méchant qui fait tout. Ici, il est trop peu exploité, son combat dans l'arène que je me délectais de voir, passe à la trappe en 10 minutes. Même punition pour le duel final entre Feyd et Paul, qui aurait dû être le summum du film et qui m'a laissée sur ma faim.


Clairement, il y a une peur de rompre avec l'œuvre originale, surement un reliquat de l'époque de Lynch . S'éloigner du Dune primordiale c'est se mettre à dos les afficionados de Herbert et subir les critiques des fans. Mais c'est bien dommage, parcequ'on ne voit pas la vraie valeur et l'univers de Denis Villeneuve, cachés derrière une montagne de strass et de paillettes. Cette patte qu'on retrouve en regardant le Dune de Lynch, on ne saurait la retrouver dans celui de Villeneuve. Qui pourrait vraiment dire ce qui relie les images de Premier contact, Blade Runner 2049 et Dune ? Le sable ? Les immensités des vaisseaux ? Il n'y a pas un artiste qui interprète avec son regard l'œuvre d'un autre artiste, il y a une machine à fric qui en met plein la vue et surtout sans essayer de faire de la profondeur. Plus aucune émotion n'est travaillée, ce n'est que de la contemplation mouvante. Dune 2 est sans doute un des plus beaux films que j'ai vu depuis bien longtemps en matière de spectacle, le cinéma a bien mérité ses 25 € sur ce coup là (oui oui c'est 25 € la place chez Pathé à Paris), mais il y a une douleur qui reste là. Celle que dans deux ans, quand le 3 sortira, je ne me rappellerai que deux ou trois scènes tout au plus, alors qu'en son temps, en voyant un Star Wars, un Lynch ou un Spielberg, je me rappelais de chaque scène, les yeux brillants, en papotant avec les copains à la sortie du ciné pendant des heures. Là, on dit quoi ? Ouah ! C'était incroyable ! ... Bon bah, on va manger ?




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2件のコメント


luckyyannick
3月07日

La question que l'on peut se poser n'est pas plutot que nous avons vieillis et que notre perception d'un film n'est pas la même que lorsque l'on était plus jeune.

Je m'explique, si tu avais vu ce film à tes 20 ans, avec des yeux de jeune adulte, le percevrai tu de la même manière qu'à ce jour?

Et inversement si tu voyais avec tes yeux de maintenant un star wars ou autre, n'aurais tu pas le même sentiment?

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Bonjour @luckyannick, merci pour ton commentaire. Oui il y a certainement une petite partie de moi influencée par le regard de l'âge. J'ai essayé de revoir la série "Manimal", mauvaise idée. A l'époque, je trouvais çà magique, maintenant c'est un désastre. Mais mon expérience de 20 ans de productrice et de critique d'art, a aussi rodé mon regard à trouver un certain recul à cela. Je regarde "La belle au bois dormant" toujours avec un intérêt extraordinaire, "Blade Runner" avec encore plus de passion, car j'y vois des détails supplémentaires en réalisation, conception, production que je ne voyais pas quand j'étais enfant. Les goûts peuvent évoluer certes, j'aime les épinards, alors qu'enfant il fallait y mettre un kilo de fromage…

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