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"La demoiselle et le dragon" ou le bad-trip Disney

Dernière mise à jour : 11 mars

Toute auréolée du succès de la série "The Witcher", la plateforme Netflix tente de lancer des productions dans le genre fantasy du même acabit. On reprend la même recette et on recommence : des héros badass, des bêbêtes, de la magie, un scénario pas trop compliqué et des sfx ras les pâquerettes mais surtout : des stars du box-office. Donc voilà la sortie du film "La demoiselle et le dragon" ("Damsel" en américain), l'histoire d'une jolie princesse qui croit vivre un conte de fée avec un mariage grandiose, mais qui se retrouve être le sacrifice d'un rituel auprès d'un dragon, qui dure depuis des siècles.

Il aura fallu 13 producteurs pour porter ce film fantastique, dont Mark Bomback ("La planète des singes"), Chris Castaldi ("Iron Man"), Sue Baden-Powell "Elysium"), c'est quand même pas rien, sans compter que le rôle principal tenu par Millie Bobby Brown s'y colle aussi, ce sera son troisième film en tant que productrice. Le film annoncé en Novembre 2020 pour un budget d'environ 70 millions de Dollars (ce qui est vraiment rien pour un film bourré d'effets), sortira en 2024 et non en 2023, dû à la grève des acteurs qui repoussa la diffusion. Ca raconte quoi "La demoiselle et le dragon" ? Les 30 premières minutes ressemblent aux films de fantasy des années 90, tout bariolé, très planplan, on se laisse bercer assez facilement par cette histoire de princesse basique : un royaume au bord de la faillite, un roi qui marie sa fille un poil de force pour pouvoir sauver son peuple de la famine. Le prince n'est finalement pas trop moche, pas trop con, donc la jolie princesse accepte de bon cœur le mariage arrangé. Et puis çà vire d'un coup au film d'action. La princesse Elodie est jetée sans ménagement en pâture à un dragon, créature vénère qui poursuivra son œuvre durant 1h30 de film. Je ne vous spoil pas en vous disant que çà finit bien, mais pas forcément comme vous l'imaginez.



Réalisé par Juan Carlos Fresnadillo, tombé dans l'oubli depuis son réussi "28 semaines plus tard" (ce plan séquence de poursuite de zombies au début du film a traumatisé tout un public), "La princesse et le dragon" se veut être un nouveau souffle pour les histoires de contes de fées. Notamment en inversant l'atmosphère, on part d'un vrai conte de fée façon Disney et on tourne çà en bad-trip sous coke.

[SPOIL] Dan Mazeau, scénariste du film :

"Il s’agit de prendre ces histoires traditionnelles de chevaliers en armure brillante et de les explorer sous un angle différent, et cela ne consiste pas seulement à se sauver soi-même, mais aussi à devenir le sauveur de quelqu’un d’autre. Nous voulions qu'Elodie traverse tout l'arc du héros, depuis quelqu'un qui a peur jusqu'à devenir quelqu'un de fort."

Effectivement Dan Mazeau joue avec les codes des contes de fée, mais cela reste étonnement fluide et relativement cousu de fil blanc. Elodie, l'héroïne est presque trop gentille, malgré son côté badass révélé lorsqu'elle déchire sa robe pour en faire des pansements. Elle bricole des pièges mieux que Mac Gyver avec un casque et un peu de sable et elle manie l'épée comme une pro. Sans doute que ses nombreuses heures de coupage de bois l'ont habitué aux lames. Si on passe le côté bizarroïde de certains points, après tout, on est dans la fantasy, il y a des dragons et de la magie, on apprécie l'effort rythmique, le design des costumes et des accessoires (Amanda Monk déjà habituée à la fantasy grâce au merveilleux "Donjons et dragons" version 2023), beaucoup moins le kitch des effets spéciaux.

Et oui, il n'y a pas de miracle, avec 70 millions de $, on ne va pas loin avec un film de quasiment 2 heures composé d'effets à chaque plan. Ce ne sont pas moins d'un douzaine de petites boites d'effets qui se sont partagées le travail et malheureusement çà se voit. Et comme me disait un ami directeur de post-prod de gros blockbusters : "un bon effet est un effet qui ne se voit pas". Là, c'est raté.

Le côté agréable, c'est que çà joue fort et bien. En plus de la talentueuse Millie Bobby Brown, nous retrouvons avec bonheur Angela Bassett (malheureusement trop peu de minutes à l'écran) et la divine Robin Wright en reine cruelle et manipulatrice à souhait, un poil trop classique peut-être. Trois femmes, trois caractères forts, sans compter le dragon avec Shohreh Aghdashloo, grande actrice qui lui prête sa voix (essayez de voir ce film en VO rien que pour elle), contrairement aux personnages masculins plutôt effacés et relativement lâches la plupart du temps.


Il y a dans "la demoiselle et le dragon" une vraie présence des femmes de plus de 50 ans, avec des rôles profonds. C'est assez rare au cinéma pour le souligner. C'est avant tout, une histoire de femmes , qui cherchent leur place dans un monde d'hommes (les rois qui prennent souvent les mauvaises décisions.). Une histoire aussi de femmes, qui se battent pour leur famille : l'une est une mère adoptive et cherche l'amour de ses belles-filles, l'autre défend sa lignée, une autre protège sa soeur et la dernière... vous verrez bien !


[SPOIL] clins d'oeil et fin

La réalisation est propre et les batailles ressemblent à quelque chose, ce qui est de plus en plus rare dans les films d'actions. Des clins d'oeil à d'autres oeuvres de la fantasy sont éparpillés : le lion en blason du 1er roi est une fausse piste, celui-ci représente la justice, souvent utilisé dans les grands films moyen-âgeux quand le justicier roi-sauveur arrive sur son cheval blanc et là, évidemment, c'est tout le contraire, d'où la colère vengeresse du dragon. L'appel d'Elodie qui résonne dans la grotte avec l'oeil du dragon qui s'ouvre en gros plan rappel la séquence du film "Le Hobbit". La fin du film, avec le vol du dragon en compagnie de l'héroïne, qui marche fièrement et ensuite sur son bateau, est un clin d'oeil à Deanerys de la série "Game of thrones". La fin a cependant été retravaillé, il existe en réalité une fin alternative qui n'a pas été choisie. Dan Mazeau, scénariste du film, explique au média Screenrant : "Il existait une version antérieure dans laquelle le dragon n'avait pas survécu à l'histoire. Nous avons senti, en explorant et en développant l'histoire, que nous nous sommes tous vraiment attachés au personnage du dragon. C'était comme si, d'une certaine manière, elles étaient tous les deux victimes de cette situation, et il semblait donc juste qu'elles en sortent tous les deux changées, qu'elles survivent toutes les deux.

Elles ont une nouvelle relation. Je ne pense pas qu’elles soient nécessairement partenaires d’une manière ou d’une autre, mais elles ne sont plus dragon et demoiselle. C’est une question ouverte de savoir quelle sera leur relation. Elles ont dépassé ce qu’était leur relation, cette situation antagoniste dans laquelle elles étaient toutes les deux plongées, essentiellement. Et maintenant, pour la première fois, Elodie est libre comme elle ne l’a jamais été auparavant, et le dragon est libre comme elle ne l’a jamais été auparavant. Elles ont toutes deux la possibilité de tracer leur propre voie."


Selon le média Screerant, un "Demoiselle et dragon 2" serait possible. Notamment par rapport aux nouvelles relations révélées à la fin du film et sur la fait de sauver les différents peuples corrompus par la reine Isabelle. En attendant, "Demoiselle et dragon" se laisse regarder gentiment. Ce n'est pas la film du siècle, mais c'est un bon divertissement.


*Remarquez que Bobby Gumm, arrangeur de la musique du trailer, a été nommé au GMS award 2024 pour la meilleure bande originale de trailer, ce qui est bien mérité, car effectivement, le bidouillage avec notre sublime Edith Piaf est réussi.


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